Bien localiser son Horeca, est-ce vraiment utile ?
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Be-Q&A : Bien localiser son Horeca, est-ce vraiment utile ?

L’ultime règle marketing : the place to be ! Quiconque a déjà étudié ou abordé la question « marketing » aura sans nul doute déjà entendu parler de l’importance de la localisation géographique d’un Horeca et plus largement d’un commerce.

Par Grégory Sorgeloose, co-gérant du cabinet Sorgeloose & Trice

Ce critère constitue l’un des 4 piliers essentiels du marketing enseigné dans les écoles de commerce, que l’on nomme dans le jargon les « 4 P ». Outre les 3 autres « P » que sont le Produit, le

La Grande Place
La Grande Place

Prix et encore la Promotion, le critère « Place » dont nous parlons (en anglais pour « localisation ») reste la carte atout.
Et précisément, la localisation a toujours été annoncée comme un élément fondateur, sur lequel il ne faut aucunement se tromper, sous peine de subir les affres des impitoyables règles du marché. Se tromper d’emplacement peut vous mener tout droit à la case faillite si vous n’y prenez pas garde. Et il convient d’être prudent, car la valeur d’une rue peut varier à quelques mètres près…

Avouons-le : il y a forcément une large part de vérité dans ce raisonnement. Et la pratique de notre métier nous le prouve. Qui n’a pas déjà vu une sandwicherie installée dans un quartier résidentiel, éloignée des entreprises et des écoles, qui constitue pourtant le plus clair de sa clientèle ? Généralement, ce genre d’erreur ne pardonne pas, et ce type de projet ne se développe pas, faute d’un minimum de raisonnement, trahissant la méconnaissance évidente du développeur.

Cependant, nous verrons ci-après que l’importance de cet élément doit être nuancée, et ne pas être prise au pied de la lettre. Les exemples contredisant, du moins en partie, cette vérité annoncée comme absolue sont légion.

Se tromper d’emplacement peut vous mener tout droit à la case faillite si vous n’y prenez pas garde.”

Un Horeca mal situé mais qui fonctionne, une exception ?

La Place Saint-Catherine
La Place Saint-Catherine

Si la règle de la localisation prévaut pour la plupart des commerces, il ne faut pas croire que tout Horeca qui se respecte doit à tout prix s’installer là où d’autres ont déjà posé bagages avant lui dans un quartier dit « triple A ». Et encore… un quartier annoncé comme « triple A » pour l’Horeca n’a rien en commun avec un quartier de même qualité pour le commerce de détail. Certes, privilégier un quartier passant, voire ultra passant, le cas échéant déjà largement occupé par d’autres Horeca, reste une quasi-garantie de succès à long terme, de plus qu’une garantie d’arriver un jour à en retirer une contrepartie financière en cas de cession. Mais la capitale regorge de pépites qui contredisent toutes ces vérités.

Prenons l’exemple de Bruxelles : s’il est évident que s’installer sur la Place Sainte-Catherine ou rue du Bailli semble un choix judicieux et toujours gagnant, la pratique démontre que ce choix n’est pas aussi parfait qu’il y paraît. La réussite dépend de bien d’autres facteurs exogènes : l’identité du concept, ses horaires, l’identité et la qualité du développeur qui l’envisage, son réseau et plus généralement la dynamique du quartier, voire même l’historique de l’adresse / de l’immeuble. Reprenons l’exemple de la rue du Bailli et ses 400 mètres de long. Son 1er tronçon côté Louise accueille des concepts essentiellement de restauration du matin et du midi, et axés sur la clientèle de bureaux de l’Avenue Louise toute proche, et davantage orienté sur l’emport. Son second tronçon vise plutôt des concepts Horeca de jour, axé sur le café du matin ou le goûter de l’après-midi, voire du verre que l’on souhaite partager en cours de journée. Quant à sa dernière partie, au croisement du quartier Châtelain jusqu’au Parvis de la Trinité, elle accueille majoritairement des concepts d’après midi et de soir, voire de nuit (brasseries, cafés, bars, concepts plus pointus). Ne pas comprendre cette radiographie de la rue pourrait vous mener à poser de mauvais choix et à louper votre cible.

Le marché bruxellois de l’Horeca nous démontre en outre régulièrement que des concepts à succès ouvrent dans des quartiers secondaires, voire totalement excentrés. Avouons que le Nightshop, la nouvelle adresse food mystérieuse dont on parle, située tout au bout de la rue de Flandre, a tout pour étonner. Que dire aussi du nouveau bar à café Honest, situé rue du Croissant à Forest, réellement totalement en-dehors des quartiers plébiscités généralement ? Voire encore l’énigmatique et succès absolu qu’est le restaurant Tatar situé rue de l’Aqueduc, pourtant éloigné du célèbre quartier du Châtelain ? Autant d’exemples concrets pour accréditer un constat : l’emplacement ne fait pas tout…

L’identité du concept

Tatar
Tatar

L’identité du concept Horeca envisagé reste la base absolue avant d’envisager son positionnement géographique. Les concepts « mainstream » prendront évidemment place là où le passage se fait le plus dense, généralement entouré de concepts similaires et de boutiques en tous genres. Nous parlons ici des fast foods, des fast casual, des chaînes internationales. Vous ne les trouverez, logiquement, que sur les grands axes hyper fréquentés. Et vous constaterez a contrario que vous n’y dénicherez jamais d’autres types de concepts Horeca plus pointus, lesquels privilégient naturellement d’autres zones plus adaptées, notamment pour une question de loyer.

Les brasseries et concepts de restauration plus traditionnels à grand public ne seront d’ailleurs jamais loin des précédentes, ou à l’inverse, privilégieront des quartiers plus résidentiels ou mixtes. Ils ne cherchent pas a priori le passage, car la qualité de leur carte, la facilité d’accès ou le parking restent des valeurs ajoutées qui n’ont aucun impact pour les précédents.

Les concepts plus pointus / alternatifs se rapprocheront toujours de leur clientèle cible, ou au contraire, en fonction d’autres facteurs évoqués ci-dessus, chercheront à créer une expérience, à sortir des sentiers battus… C’est ici que d’autres facteurs entrent en ligne de compte, dont notamment l’identité du développeur, la qualité ou le côté novateur de son concept, etc… Les exemples cités plus haut que sont le Nightshop, Honest et Tatar l’illustrent parfaitement.

“L’identité du concept Horeca envisagé reste la base absolue avant d’envisager son positionnement géographique.”

La dynamique du quartier

Bien connaître le marché où vous souhaitez vous installer reste LA règle. Faites-vous aider par un professionnel avant de commettre l’erreur impardonnable ! Mais bien au-delà de cela, considérez que dans cette ère post-covid, le télétravail a fait son œuvre, tout comme la pandémie a rebattu les cartes. Désormais, les commerces et Horeca de proximité, à l’image des cafés d’antan, deviennent « une » norme parmi d’autres. Ne pas viser les quartiers dont tout le monde parle et que tous jalousent n’équivaut pas toujours, voire jamais, à un plantage. Bien au contraire. Si le concept est suffisamment fort, ou si l’identité du développeur est puissante, amenant une expérience unique ou une clientèle qui le suit, alors l’aventure sera concluante, voire bénéficiaire, d’autant plus que viser un quartier secondaire assurera au développeur de payer un loyer bien moindre.

L’identité et le réseau du développeur

Qui n’a jamais entendu parler de lieux dits « maudits », n’ayant jamais fonctionné des années durant, jusqu’au jour où, sans raison, un concept quasi biblique s’y installe et perdure de manière scandaleuse, mieux, devient un « hotspot » repris dans tous les guides hype du moment ? Ceci est bien la preuve qu’aucun lieu (ou presque) n’est mauvais, dès l’instant où le concept qui s’y installe coche les cases et les attentes du quartier, ou si son développeur est adulé par une communauté dantesque qui le suit où qu’il aille. Un tel gourou pourrait à peu de choses près s’installer là où tout le monde a échoué, et ce serait encore un succès. Prenons l’exemple de l’Osteria Romana avenue Legrand. Pourquoi diantre ce petit espace étriqué, autrefois inconnu au bataillon, et pourtant déjà affecté à l’Horeca depuis plusieurs dizaines d’années, est devenu une institution, réputée pour son Carbonara déjà légendaire ? Assurément, c’est la nature épique de son chef, au caractère bien trempé, et à l’univers qu’il a su créer autour de son personnage qui a assuré le job.

L’historique de l’adresse

Autre option, gage de sécurité : la reprise d’une institution. Mais cela demande de l’adresse et du professionnalisme. Les attentes de haut niveau d’une clientèle habituée seront au rendez-vous, et gare à celui qui n’y répondra pas de manière hautement satisfaisante. Une variante est aussi de reprendre une ancienne institution, fermée. L’adresse restera connue et l’enseigne réputée dans les mémoire de tous, capital sympathie qu’il suffira de rallumer avec un peu de talent.

Et pour conclure

A moins d’avoir réinventé le concept food le plus exceptionnel de la décade, d’être suivi par 145.000 followers sur les médias sociaux, d’être l’as des as en matière de projets urbanistiques de revitalisation en région bruxelloise ou de reprendre une institution réputée depuis plus de 50 ans, un seul conseil : choisissez votre emplacement avec méthode, et faites-vous assister, sous peine de risquer une douche froide. Mieux vaut parfois d’ailleurs débuter petit, et une fois connu, envisager d’augmenter la voilure. Affaire à suivre…