Be Horeca

Be-Q&A : Reprendre un Horeca ? Oui, mais comment…

Grégory Sorgeloose, co-gérant du cabinet Sorgeloose & Trice, spécialisé dans la cession de commerces Horeca, passe en revue les différentes méthodes adaptées aux différents profils.

Félicitations ! Les bonnes résolutions sont derrière vous, les bons vœux souhaités à tous, et plus que jamais vous avez décidé aujourd’hui qu’il était temps d’ouvrir votre propre restaurant. Vous entrerez bientôt dans le monde merveilleux et passionnant de l’Horeca. Mais par où commencer ?

 

Fonds de commerce ou création ?

Que l’on soit novice ou pro en la matière, plusieurs méthodes s’offrent à vous pour acquérir un Horeca en toute sécurité. Examinons et démystifions les concepts de « fonds de commerce » et de « création », d’ailleurs sensiblement différents. Les premiers coûtent plus cher à l’achat qu’une création, mais assurent l’acheteur de bénéficier d’un outil en état de marche, en ordre de permis et d’agréments, et générant d’emblée un chiffre d’affaires et une rentabilité. De plus, libre au nouvel exploitant de le modifier à sa guise, tant en termes de décor que de concept, rien ne l’obligeant à continuer la même activité. A contrario, la création d’un Horeca ne coûte rien de prime abord, mis à part le bail commercial d’un local adapté et la constitution d’une garantie. Mais ce serait occulter une large part du spectre que de nier les coûts indirects qui en découlent. Parmi ceux-ci, on pointe l’achat du matériel, les lourds travaux indispensables ou encore les tracasseries administratives, souvent longues et pénibles, liées à l’obtention des permis et agréments administratifs divers (permis d’enseigne, de terrasse, d’exploitation, d’urbanisme, agrément du service de prévention incendie, certificat de conformité électrique, de conformité gaz, etc.).

 

“Il y a les “créateurs” et les “runners”.”

 

Parmi les talentueux développeurs Horeca, il y a d’une part, les créateurs, ceux qui mettent leur patte et ne souhaitent en rien marcher dans les pas de leurs prédécesseurs. Ils s’orientent naturellement davantage vers la création d’une affaire que vers la reprise d’un Horeca existant. Et d’autre part, les runners qui optent pour la sécurité d’un business existant, lequel tourne comme une machine bien huilée, en privilégiant le rachat d’un fonds de commerce. Le choix de l’une ou l’autre option dépendra aussi de vos moyens financiers et disponibilités immédiates ou bancaires, même s’ il existe des solutions créatives pour les petits budgets. Et vous, êtes-vous plutôt créateur ou runner ?

 

Je dispose de fonds, comment procéder ?

Vous disposez d’une coquette somme que vous souhaitez allouer à votre projet ? Votre banque vous a déjà octroyé un accord de principe ? Votre famille vous avance des fonds ou s’intégrera à votre projet en y investissant ? Voilà un bon début, qui vous permettra d’avancer sur l’une des 3 premières méthodes classiques que vous rencontrerez sur le marché Horeca : la reprise de fonds de commerce (« asset deal »), la reprise d’actions (« share deal ») ou la location pure (avec ou sans pas-de-porte / droit-au-bail).

En vulgarisant quelque peu, la reprise d’un fonds de commerce et le rachat d’actions sont 2 méthodes qui vous permettront d’acquérir une activité Horeca déjà existante et en activité. Qu’elle tourne bien ou non relève d’un autre débat, lequel se reflètera dans le prix que vous payerez en contrepartie. En optant pour un fonds de commerce, vous ne rachetez en réalité que les « actifs » (et donc pas les dettes). Tandis que dans une vente d’actions, vous achetez une entreprise en l’état, avec les « actifs » et le « passif » (incluant donc les dettes). Vous payerez d’ailleurs généralement moins cher le rachat d’actions que le rachat d’un fonds de commerce. En optant pour le rachat d’actions, vous reprendrez des dettes (généralement déduites du prix). En outre, la vente d’actions est également fiscalement avantageuse pour le vendeur, le fruit de la vente n’étant pas fiscalisé / taxé dans son chef, alors qu’il l’est sur la vente d’un fonds de commerce.

Dans la 1ère hypothèse, racheter un fonds de commerce n’est en réalité pas vraiment risqué, à condition d’être bien conseillé dans la rédaction de la convention de cession. Seules les dettes fiscales et sociales, que l’on nomme aussi dettes « privilégiées » pourraient vous suivre si le cédant ne vous transmet par les certificats ad hoc, prévus à cet effet. D’où l’importance d’une convention bétonnée.

“Quelle que soit la forme choisie, le but est d’être bien conseillé et encadré.”

Dans la 2ème hypothèse, racheter une entreprise (une société, via les actions qui la constituent) inclut généralement tous les actifs, et le passif qui en découle, nécessaires à la vie de l’entreprise. Si cette entreprise exploite un Horeca, cela inclura les mêmes éléments qu’un fonds de commerce (matériel, mobilier, petit outillage, les locaux où sont exploités l’Horeca, le bail commercial attenant, les recettes, brevets, numéros de téléphone, comptes sociaux, etc…), auxquels s’ajouteront les dettes et encours divers (dont les créanciers privilégiés cités plus haut, soit la TVA, les contributions, les lois sociales et l’ONSS, sans oublier les fournisseurs). Assisté d’un bon comptable/réviseur, il faudra réaliser ce que l’on nomme une « due diligence », ou en français dans le texte : un audit, une analyse des comptes. À vous également de fixer des limites de ce que vous prendrez à votre charge dans ce passif et d’obtenir des garanties du vendeur pour encadrer cet élément. Ceci vous permettra de négocier en amont le prix de rachat en connaissance de cause. Mais n’oubliez jamais qu’en rachetant les actions d’une société, c’est vous seul qui serez en 1ère ligne face à l’Etat et aux fournisseurs, quoique vous ayez obtenu comme garantie du vendeur. À vous de vous retourner ensuite contre lui en cas de pépin.

Nous voilà rentrés dans le vif du sujet avec déjà des termes barbares. Mais rassurez-vous, encore une fois : quelle que soit la forme choisie, le but est d’être bien conseillé et encadré, afin de ne pas commettre d’impair. Ce rôle de runner vous va déjà à merveille…

Troisième hypothèse, déjà évoquée précédemment : la création. En tant que tel, vous pouvez très bien disposer de fonds, et ne vouloir en aucun cas les dépenser dans le rachat inutile d’un fonds de commerce existant, ou via le rachat de la société qui en est propriétaire, privilégiant vos propres idées déco (coûteuses, évidemment). Vous trouverez toujours un architecte pour vous dire qu’il faut tout casser, lequel vous poussera dans cette voie. Vous, votre truc, c’est de créer, vous êtes un créateur. Vous n’avez peur de rien et vous souhaitez vous attaquer à un projet d’envergure : trouver un local vide, signer un bail commercial, et obtenir les permis divers nécessaires à l’exploitation d’un Horeca. Nous vous tirons notre chapeau, car c’est souvent là que les perles se créent, dans des lieux qui n’ont jamais accueilli ni cuisines ni tables. Mais le chemin peut être long et semé d’embûches, le jeu en vaut toutefois la chandelle. Parfois, le local que vous convoitez sera tellement bien situé, qu’un cédant (ou un bailleur) vous demandera un « ticket d’entrée » en échange de la signature du bail, arguant que beaucoup de prétendants se bousculent au portillon pour signer. Nous appelons ce montant, dans notre jargon, le « droit-au-bail » ou le « pas-de-porte ». En payant ce prix, vous jetez de l’argent par les fenêtres, car généralement aucun actif (ni passif d’ailleurs) n’est attaché à l’opération. Mais finalement, ce mur en briques anciennes, cette cheminée ou ce plafond haut de 7 mètres ne vaut-il pas un petit billet pour ce supplément d’âme ?

 

 

Je ne dispose pas (ou peu) de fonds, mais j’ai de bonnes idées. Comment faire ?

À l’impossible nul n’est tenu. Et forcément, quand les fonds sont peu/pas disponibles, c’est sur la créativité ou sur votre charme qu’il vous faudra miser. Souvent vous penserez pouvoir conclure, et souvent l’histoire se terminera comme dans un film culte français. Mais qui sait, sur un malentendu, ça peut marcher !

La créativité peut se retrouver là où on ne l’attend pas. Nous savons tous que présenter un dossier bancaire irréprochable, avec tout l’entrain qui vous caractérise, peut buter sur l’esprit étriqué d’un banquier dont la marge d’appréciation personnelle est proche du zéro, faute d’apport, de revenus suffisants, d’expérience ou de garanties.

 C’est précisément là que la créativité doit jouer. Nous parlerons ici de méthodes telles que la gérance libre et autonome ou encore du crédit-vendeur. Dans le premier cas, et pour peu que le vendeur soit coopératif et n’ait pas un besoin impérieux du produit de la vente à court terme, il gardera la pleine propriété de son fonds de commerce, et vous le louera, à l’image d’un leasing. Au terme du contrat, ou à chacun de ses anniversaires, il vous sera possible d’acquérir le fonds de commerce en pleine propriété, en échange du paiement du prix convenu initialement, déduction faite des redevances mensuelles déjà payées en échange de la location du fonds. Le transfert de propriété (et de tous ses accessoires, tel que le bail commercial), s’opérera donc soit le jour de la fin du contrat de gérance, soit le jour où vous levez l’option d’achat et payez le solde du prix.

L’hypothèse du crédit-vendeur est une autre variante que nous rencontrons sur le marché Horeca. Dans ce cas, c’est le vendeur du fonds de commerce qui vous autorise à payer, tout ou partie du prix de vente, sur plusieurs mois ou années, en échange ou pas d’un intérêt calculé sur les mensualités. Il se réserve bien sûr une clause de réserve de propriété au cas où vous auriez la bonne idée de ne plus le payer. Le vendeur joue ici le rôle du banquier, et assume les risques d’impayés.

Ces deux formules restent toutefois plus rares, mais n’étant pas encadrées par des textes réglementaires, elles permettent une créativité absolue, de même que de, parfois, dénouer des situation inextricables.

 

Chacun sa route, chacun son chemin

Si les méthodes sont variées avec chacune leur degré de risque, nous ne pouvons que vous conseiller, quel que soit le chemin emprunté, de toujours prêter attention aux affectations urbanistiques et éventuelles infractions ou irrégularités, les autorités communales étant depuis peu vindicatives et policières en la matière. À bon entendeur…