« Le meilleur déchet, c’est celui qu’on ne produit pas… ».
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Be-Durable : « Le meilleur déchet, c’est celui qu’on ne produit pas… ».

Tout le monde connaît l’adage, mais peu de personnes peuvent se prétendre véritablement zéro waste. Car, même quand on est sensibilisé, les déchets sont partout, au point de sembler carrément inévitables parfois.

Par Camille Vernin

Heureusement, les pratiques évoluent. En 2013, la blogueuse Béa Johnson propulsait le mouvement en se photographiant avec un petit bocal en verre de 2L… correspondant à l’ensemble de ses déchets de l’année…. Culpabilisant ? Un peu sans doute, mais la force de l’image a eu le mérite de remettre tout un chacun en question. D’ailleurs, son bestseller, Zero Waste Home, s’est ensuite vendu à des millions d’exemplaires et dans plus de 40 langues. Pendant ce temps, on sortait nos poubelles…

32.000 tonnes de déchets par an

Au-delà de la responsabilité individuelle, certains secteurs sont, par nature, particulièrement propices à la production de déchets. L’un des plus parlants, celui que l’on croise au quotidien, concerne évidemment la restauration. Un petit aperçu chiffré s’impose. Pour cela, on peut se fier aux analyses de terrain de Bruxelles Environnement. Ça donne 32.000 tonnes de déchets, dont plus de 10.000 tonnes sont issus des emballages, pour les restaurants bruxellois chaque année. Chacun d’eux jetterait à lui seul 9 tonnes de déchet par an. Les déchets résiduels (ceux supposés être non recyclables) représentent la majorité (49% en poids), les emballages en verre non consignés constituent la deuxième fraction (25%) suivis par les papiers-cartons avec 17%.

Pourtant, comme l’explique Noémie De Clercq, sérial entrepreneuse passionnée de food qui vient de lancer Manifeast, une revue sur les restaurants vraiment durables à Bruxelles : « À la question « que mettez-vous en place pour réduire les déchets? », la plupart des établissements répondent « on trie ». Seul bémol, c’est obligatoire en Région bruxelloise et surtout, trier ses déchets n’équivaut pas à les réduire.

Objectif 100% d’emballages réutilisables et recyclables en 2030

« Le meilleur déchet, c’est celui qu’on ne produit pas… ».
« Le meilleur déchet, c’est celui qu’on ne produit pas… ».

D’ailleurs, réduire ses déchets ne sera bientôt plus un luxe, ou une lubie seulement réservée à celles et ceux déjà convaincu.e.s de l’urgence d’agir. En effet, en janvier 2018, la Commission Européenne avait décidé de passer à la vitesse supérieure contre la pollution plastique en présentant les grandes lignes de sa stratégie plastique, visant 100% d’emballages réutilisables et recyclables en 2030. La Directive européenne « Réduction de l’incidence sur l’environnement de certains produits en plastique » prévoit notamment l’interdiction de la mise sur le marché de certains produits en plastique à usage unique (couverts, assiettes, pailles, touillettes…). La Belgique va même plus loin : tous les gobelets en plastique seront interdits à partir de 2023, là où l’Europe n’interdit que ceux en polystyrène expansé. Quelles solutions dès lors pour mettre fin aux emballages jetables (plastique, aluminium, frigolite, carton) ? Choisir des fournisseurs locaux qui livrent en contenants réutilisables, vendre en vrac ou à la découpe, accepter ou suggérer des contenants réutilisables aux clients, proposer de l’eau de distribution filtrée et des boissons faites maison, remplacer les petits contenants jetables (pour le sucre, le beurre, le ketchup, etc.) par des contenants lavables. Évidemment, les contenants lavables ne sont vraiment écologiques que s’ils sont utilisés un grand nombre de fois.

« En Belgique, tous les gobelets en plastique seront interdits à partir de 2023, là où l’Europe n’interdit que ceux en polystyrène expansé. »

Quelles solutions dès lors pour mettre fin aux emballages jetables (plastique, aluminium, frigolite, carton) ? Choisir des fournisseurs locaux qui livrent en contenants réutilisables, vendre en vrac ou à la découpe, accepter ou suggérer des contenants réutilisables aux clients, proposer de l’eau de distribution filtrée et des boissons faites maison, remplacer les petits contenants jetables (pour le sucre, le beurre, le ketchup, etc.) par des contenants lavables. Évidemment, les contenants lavables ne sont vraiment écologiques que s’ils sont utilisés un grand nombre de fois.

« En Belgique, tous les gobelets en plastique seront interdits à partir de 2023, là où l’Europe n’interdit que ceux en polystyrène expansé. »

Le réutilisable, forcément plus écologique ?

Bia Mara
Bia Mara

C’est d’ailleurs une question qui revient souvent : le réutilisable est-il forcément plus écologique que le jetable ? En cause, le coût environnemental de leur production (c’est indéniable, un récipient en verre est beaucoup plus lourd que son équivalent en plastique jetable), mais aussi le fait qu’ils doivent être nettoyés, ce qui n’est pas le cas des jetables.

En réalité, l’objet réutilisable « rembourse » rapidement sa dette écologique de fabrication. Selon une étude Institut de Conseil et d’Études en Développement Durable (ICEDD), un récipient lavable réutilisé 20 fois est plus écologique que 20 récipients en plastique jetable (fabrication, lavage et recyclage ou incinération compris). Bien sûr, plus l’objet ou l’emballage est réutilisé, plus il devient intéressant. C’est le cas pour les récipients alimentaires comme pour les bouteilles réutilisables consignées, les gobelets utilisés lors d’événements, les sacs réutilisables…

La seule donnée primordiale à prendre en compte pour que ces conclusions restent valides : le transport. Il est primordial que les unités de nettoyage soient choisies le plus localement possible. S’il est écologique d’utiliser en Belgique des bouteilles ou bocaux consignés lavés et réutilisés en Belgique, la solution perd tout son sens s’ils sont renvoyés en France ou en Italie. Par chance, ce phénomène n’existe pas chez nous. Aussi, la taille du pays aide évidemment dans cette démarche durable.

« Un récipient lavable réutilisé 20 fois est plus écologique que 20 récipients en plastique jetable. »

Les adresses bruxelloises qui s’y sont mises

Beaucoup d’établissements n’ont pas attendu les nouvelles réglementations pour prendre les devants. À Bruxelles, les exemples inspirants ne manquent pas. L’enseigne de Fish and chips Bia Mara, située Place de Londres et dans la pourtant très touristique rue du Marché aux Poulets, ne possède plus d’emballages à usage unique. Les Fish and chips sont servis dans des boîtes en bois à utiliser sur place et à emporter. Leur exception ? Le papier. « Tout est cuit à la friteuse, on a donc impérativement besoin de quelque chose d’absorbant. Mais nous utilisons du papier recyclé », explique Paola Lancini, derrière l’enseigne bruxelloise. Bia Mara demande aussi à son fournisseur d’arrêter de lui livrer le poisson dans des contenants en frigolite pour privilégier des contenants réutilisables.

Même démarche « zéro waste » chez El Taco Mobil. La taqueria mexicaine ambulante, que l’on peut croiser tous les jeudis sur le Parvis de Saint-Gilles, a décidé de dire stop aux emballages plastiques. « Au Mexique, les travailleurs prennent leurs tacos sur le pouce parce que c’est rapide et démocratique. On mange ça directement avec les doigts ou dans des assiettes colorées, il n’y a pas cette culture du take away », explique Selene Ruiz, derrière Taco Mobil. Elle essaie donc d’inciter ses clients à ramener leurs contenants, ou elle sert ça dans des assiettes et gobelets réutilisables qu’elle nettoie ensuite. « C’est plus économique, car les emballages coûtent très cher, mais ça nous permet aussi d’éviter de devoir stocker le matériel dans le foodtruck », ajoute-t-elle. « Mais c’est vrai que ça prend un peu plus de temps de nettoyer les assiettes à la main ».

D’ailleurs, des initiatives émergent un peu partout, jusqu’aux plus petits gestes finalement faciles à intégrer. Chez Liesse à Saint-Gilles, le beurre est découpé à la demande et les serviettes sont en tissu. Idem au Phare du Kanaal, pas de beurre préemballé avec le pain, mais du beurre coupé à la main. Chez Mazette, toutes les boissons (softs, bières, cidres, etc.) sont servies via des fûts, il n’y a pas de bouteilles. Boentje, le premier café « zéro waste » de Bruxelles, est passé aux serviettes en tissu de récup’, utilise des sachets réutilisables pour les sandwichs et essaie de se faire livrer un maximum de produits sans emballages. Le lait est par exemple livré en bouteille en verre consignée.

Le guide pratique pour se lancer

Bia Mara
Bia Mara

Autant d’exemples qui n’ont pas pour vocation de culpabiliser les mangeurs ou les restaurateurs, mais plutôt de montrer ce qu’il est possible de faire et ce qui est mis en place dans certaines adresses. Si le critère de « durabilité » touche de plus en plus de monde, il reste encore globalement cantonné à une minorité déjà éveillée sur la problématique. Adopter une démarche durable pour attirer beaucoup plus de clients semble pour l’instant une stratégie optimiste. Pourquoi changer les choses dès lors ? Pour lutter contre le réchauffement climatique évidemment, pour développer une image d’établissement éco-responsable et innovant, mais aussi pour s’adapter aux réglementations en matière de prévention des déchets, qui accélèrent le changement vers le zéro déchet dans le secteur alimentaire.

Être plus écolo dans son resto peut même se révéler plutôt avantageux. Bruxelles Environnement met notamment en avant le caractère moins coûteux et moins encombrant des alternatives réutilisables. Mieux qu’une barquette en plastique, un contenant en verre avec un joli logo, voué à avoir une durée de vie plus longue, peut même se transformer en outil de communication efficace. Particulièrement si l’on décide de miser sur le design.

On met ces objets en avant sur le comptoir et on communique avec les clients pour les encourager dans cette démarche. On peut aussi placer des affiches et autocollants « contenants bienvenus » à des endroits stratégiques. Il suffit de contacter Zero Waste Belgium pour les obtenir. Pour encourager les clients à revenir avec leur contenant, on propose une réduction sur leur plat que l’on affiche à la carte. Par exemple : 0,10€ ou 5% de réduction par plat préparé.

Pour aller encore plus loin, on peut également communiquer sur les impacts d’un tel geste. Exemple : « 5 kg de déchets plastiques évités chaque jour ». D’ailleurs, systématiser l’emploi de contenants réutilisables peut rapidement permettre de faire des bénéfices. On conseille de vendre 1,50€ un contenant acheté 1€, par exemple. L’économie est aussi estimée entre 0,1 à 0,5€ le contenant jetable évité. Ce qui, à grande échelle, donne une somme non-négligeable. Pour trouver vos bocaux, vous pouvez passer par un « appel à bocaux » auprès de vos clients, via Covera Packaging, Derco ou encore Weck. Pour des plats en verre avec couvercles, rendez-vous chez Glassfood, et MyBeeWrap propose des emballages lavables en cire d’abeille pour les sandwichs et tartines. Bref, il existe une foule de solutions. Alors, on se lance ?