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“Il faut rouvrir en mars, sinon, on est morts”

(Interview Dh du 23/02/2021 – VS. )

L’Horeca est à bout et ne comprend pas l’acharnement de Frank Vandenbroucke.

Pour la deuxième fois en l’espace d’un an, l’Horeca a dû fermer ses portes en octobre. Premiers sanctionnés et derniers à rouvrir : la triste réalité d’un secteur qui ne comprend plus les mesures gouvernementales et dénonce l’absence de perspectives.

Entretien avec Philippe Trine, président de la fédération Horeca Bruxelles.

Comprenez-vous que le secteur de l’Horeca soit encore pointé du doigt comme responsable de la propagation du virus ?

“C’est totalement incompréhensible. On le voit clairement dans les chiffres de contaminations. Ce n’est pas dans un restaurant que l’on attrape le coronavirus. La fermeture des restos, en octobre dernier, n’a pas entraîné de baisse des contaminations. On sait que c’est en famille et dans les écoles qu’on enregistre le plus grand nombre de contaminations, mais nous continuons à être stigmatisés. On a l’impression que le ministre Vandenbroucke en veut particlièrement à l’Horeca, mais je me demande bien pourquoi.”

À la différence d’autres secteurs, manger ne peut se faire avec un masque. N’est-ce pas la raison du blocage ?

“Nous avons pris toutes les mesures pour faire des restaurants un lieu on ne peut plus sûr. Du gel est à disposition, les tables sont désinfectées plusieurs fois par jour, la vaisselle est lavée à 100 degrés. Tout cela ne présente aucun risque. C’est d’ailleurs nettement plus sûr que les fêtes privées et les rassemblements qu’on voit un peu partout. Ce week-end, ce fut à nouveau de la folie. Les gens se sont rassemblés partout dans le pays, sans masque. À quoi allons-nous encore assister ? Si les contaminations doivent à nouveau exploser à cause de ces comportements, c’est encore l’Horeca qui en paiera le prix. C’est inadmissible.”

Certains évoquent une reprise par l’ouverture des terrasses. Est-ce envisageable et viable ?

“Ce n’est ni l’un ni l’autre. Tout bonnement car ce ne serait pas une mesure équitable. Tout le monde n’a pas ou ne sait pas aménager une terrasse. Il faut nous laisser rouvrir, sans autres conditions que le respect des mesures d’hygiène et les gestes barrières élémentaires. Prendre le bus est bien plus risqué que de venir au restaurant. Les gens y sont côte à côte, sans respect des distances de sécurité. Et combien de gens portent correctement le masque dans les transports en commun ? Les poignées ne sont même plus désinfectées. L’année dernière, le nombre de places était limité, avec des sièges condamnés. Aujourd’hui, plus rien de tout cela, mais pour l’Horeca on n’envisage rien. Nous sommes pourtant prêts à respecter des protocoles très stricts.”

Attendez-vous du prochain Comité de concertation une annonce de réouverture ?

“Il le faut. C’est devenu critique pour le secteur. Nous devons rouvrir en mars et être pleinement opérationnels pour les vacances de Pâques. Sans cela, la situation va devenir encore plus catastrophique qu’elle ne l’est. Il faut bien comprendre aussi que la situation est biaisée par le moratoire sur les faillites. Dès qu’il sera levé, si l’on ne peut pas reprendre le travail rapidement, la moitié des restaurants seront mis en faillite. Les restaurateurs sont à bout : ils pleurent ou sont en colère. Ce n’est plus tenable.”

Des milliers d’emplois menacés

Près de 450 000 personnes sont concernées par la fermeture du secteur

À côté du désarroi des propriétaires d’établissements Horeca, il y a bien souvent de nombreux travailleurs tombés dans la précarité suite à la fermeture des restaurants. “L’Horeca emploie 300 000 personnes et génère aussi 150 000 emplois indirects. C’est aussi un secteur qui fait travailler de nombreuses personnes non qualifiées. Même quelqu’un qui ne parle pas le français peut décrocher un job à la plonge par exemple. Tout cela a un impact énorme pour l’économie du pays. La restauration, c’est 15 emplois générés par million d’euros de chiffre d’affaires. C’est beaucoup plus que les autres secteurs, comme la pharmacie par exemple, où seulement un emploi est généré par million d’euros”, souligne Philippe Trine.

De nombreux établissements travaillent également en famille. “Pour nombre d’entre eux, c’est le drame. C’est tout l’équilibre de la famille qui est en jeu. Les réserves sont épuisées, et sans argent, certains ne savent plus faire face à leurs dépenses courantes.”

L’Horeca permet aussi à de nombreux étudiants de gagner de quoi payer leurs études. “Pour eux aussi, la fermeture est un drame. S’ils ne peuvent pas retravailler rapidement, c’est leur avenir qui est en jeu.”

Du côté des fournisseurs, on commence aussi à trouver le temps long. “De nombreux pans de l’économie tournent au ralenti. Rouvrir les restos permettra aussi à de nombreux fournisseurs qui travaillent parfois exclusivement avec l’Horeca d’entrevoir le bout du tunnel. Mais pour cela, il faut une décision rapide car on ne constitue pas des stocks du jour au lendemain. Il faut pouvoir passer commande et organiser les livraisons. Tout cela a assez duré. Il faut rouvrir maintenant et s’assurer qu’on ne vivra pas une troisième fermeture. Ce serait le pire scénario et de nombreux restaurateurs n’auraient aucune chance de s’en relever.”

(Interview Dh du 23/02/2021 – VS. )