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Be-Q&A : Racheter un Horeca, attention aux pièges !

Pas facile de slalomer entre les multiples pièges qui se présentent lors de la reprise d’un établissement. Et si, comme le dit l’adage, “un homme ou une femme averti.e en vaut deux”, ce petit décryptage devrait vous éclairer davantage.

Par Grégory Sorgeloose, co-gérant du cabinet Sorgeloose & Trice.

Si vous avez toujours clamé mordicus que vous ne tomberiez pas dans le piège exotique d’une lettre nigériane vous promettant un héritage à multiples zéros, cet article est fait pour vous. Car, même si vous avez déclenché un plan Defcon pour vous protéger contre les arnaques imminentes, vous ferez sans doute des erreurs, en ce compris dans l’acquisition d’un fonds de commerce (asset deal) ou d’actions de société (share deal).

On ne m’y prendra pas

Ne jamais dire jamais. Les chances de tomber dans un piège contractuel, tant comme acheteur.euse que comme vendeur.euse, voire de subir les conséquences dommageables de quelqu’un.e de mal intentionné.e, sont légion. Ces pièges peuvent être le simple fait d’un oubli, d’un cas d’espèce non listé dans le contrat de vente, d’une méconnaissance des usages en la matière, ou plus agaçant, d’une partie du contrat, qui a pour seule vocation de vous plumer. Votre prudence légendaire sera mise à rude épreuve, et à coup sûr, en pareil cas, vous ne ferez pas long feu. La Belgique est un pays surréaliste voire dysfonctionnel. Si vous partez d’emblée de ce postulat, cela rendra l’expérience plus enrichissante et excitante ! Mais avant de vous lancer dans des plans financiers au format A2 ou des simulations 3D de votre comptoir en marbre Botticino, ne brûlez pas la première étape : la vérification administrative.

Les classiques, à quoi faut-il prêter attention ?

L’objet de tous vos désirs doit être clairement défini, administrativement et urbanistiquement. Le bullshitting existe à tous les étages en la matière. Vous pourriez ainsi, très bien, envisager le rachat d’un restaurant battant fièrement pavillon depuis 30 ans dans ce bel immeuble d’angle, alors qu’une rapide analyse à l’urbanisme communal vous convaincra que ce dossier est pourri, car officiellement catalogué comme fleuriste depuis la construction de cet immeuble en 1897. Rigolez à gorge déployée, mais ce type de déviance urbanistique est monnaie courante. Et si la chose s’est plutôt bien déroulée pour votre vendeur.euse, le vent a tourné, et il se peut que vous soyez très embêté.e ensuite si vous souhaitez servir de la viande et des frites dans ce qui est encore théoriquement un magasin de fleurs. Il existe toutefois des solutions à ce surréalisme, et cela se nomme le « permis de régularisation », quand cela est possible.

Une fois cette étape franchie, vous aurez perdu 3 ans de votre vie, mais vous serez fin prêt.e pour attaquer la pièce principale : les agréments administratifs nécessaires en vue d’obtenir un permis d’exploitation et d’ouverture. Comme le Belgicus Vulgaris aime affirmer avec aplomb qu’une pipe n’est pas une pipe, il se peut qu’un.e vendeur.euse atteste sur l’honneur cocher toutes les cases et n’avoir eu aucun problème depuis 30 ans en matière d’agréments. Et c’est sûrement vrai. Et affirmer avoir reçu l’accord du service des pompiers (Siamu), avoir une installation électrique et gaz conforme, disposer d’un agrément de l’Afsca, d’un permis terrasse en bonne et due forme. Sachez, et c’est primordial, que cela ne veut pas dire que la messe est dite. Aussi impeccable soit l’installation électrique remise à neuf, vous devrez demander à nouveau l’ensemble de ces agréments en votre propre nom, c’est une obligation. Et cela peut prendre un peu de temps. Certaines communes vous refuseront une autorisation d’ouverture tant que ces éléments ne sont pas en ordre. À bon entendeur. Un autre cas de figure probable serait une installation et des agréments annoncés comme conformes, documents probants à l’appui. Le vendeur, de bonne foi, vous produira tous les documents validés. Sauf qu’en 2 ans, les normes peuvent avoir changé. Ce qui était conforme pourrait très bien ne plus l’être depuis que vous avez reçu les clés. À vous alors de négocier avec le vendeur, suivant votre humeur du jour, qui assumera les frais de remise en conformité. Sachez toutefois qu’un vendeur n’a aucune obligation de vous céder un établissement conforme !
Admettons que vous ayez franchi avec brio ces épreuves dignes de l’épopée d’Ulysse, reste à présent, juste avant de payer et de recevoir les clés, de vérifier si plus aucun risque ne subsiste. Et c’est là que beaucoup trébuchent sur le constat de leur incompétence, malgré une motivation sans faille. Payer le prix sans avoir obtenu du vendeur ou de la vendeuse des certificats d’absence de dettes fiscales et sociales (en cas de vente d’un fonds de commerce), cela annonce à coup sûr des soucis de première qualité. En effet, dans le cadre d’une cession de fonds de commerce, l’administration fiscale, la TVA, l’ONSS et les lois sociales ont un droit de priorité sur les mouvements financiers intervenant dans la vente. Car si le vendeur ou la vendeuse devait une somme rondelette à la TVA et vous l’avait caché, de bonne ou mauvaise foi, c’est désormais chez vous, nouvellement installé dans ce magnifique bar à soupe avec votre joli tablier blanc, que la TVA débarquera pour réclamer son dû. Et vous devrez payer, même si vous avez déjà versé au vendeur ou à la vendeuse la totalité du prix d’acquisition. C’est le principe de solidarité. Et vous avez plutôt intérêt à ne pas perdre cet élément de vue car cela pourrait vous coûter cher.

“Un bail commercial ne se renouvelle jamais tacitement”

Vous en voulez encore ?

En vrac et dans le désordre, voici un florilège de possibilités créatives de trouver des ennuis dans la reprise d’un établissement : l’établissement existe depuis 40 ans sans discontinuer avec le même exploitant. À cette époque, l’affectation « Horeca » n’existait pas, et l’on pouvait ouvrir un établissement où on le désirait. Lors de la cession, la commune concernée en profitera pour régulariser une situation de fait irrégulière. Prenons l’exemple de la gaine de hotte située sur le mur arrière extérieur jamais déclarée. De mémoire d’agent, 9 hottes sur 10 en région bruxelloise sont dans le même cas d’irrégularité. Et souvent, le vendeur ou la vendeuse vous dira qu’il ou elle est en ordre, car c’est ce qui lui a été dit par l’exploitant.e précédent.e ! Cela arrive très régulièrement. En soi, ceci est régularisable. N’oubliez jamais une chose essentielle en Belgique : un bail commercial ne se renouvelle jamais tacitement. N’oublions pas non plus l’irrégularité chronique et généralisée de 100% des terrasses en intérieur d’îlot (sauf rares exceptions), lesquelles ne sont jamais autorisées, mais tolérées jusqu’à preuve du contraire. Un régime « gris » qui pose beaucoup de questions par ailleurs sur le laisser-aller des administrations communales.

Ayant surtout du bon sens.

Quoiqu’il en soit, il vous revient d’évaluer si chaque lièvre mérite d’être levé, si chaque situation irrégulière nécessite un passage à l’urbanisme. Une irrégularité est en fait une infraction qui n’a pas encore été constatée officiellement. Parfois de petits (mauvais) arrangements sont plus efficaces que des permis urbanistiques à rallonges qui n’en finissent jamais. À méditer…