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Be-Q&A : Comment bien préparer la vente de votre Horeca ?

 

Que vous envisagiez l’aventure en solitaire ou assisté.e d’un.e professionnel.le, vous risquez des remous si vous n’avez pas pris soin de préparer la mariée : elle doit être attrayante, mais pas trop sexy non plus, de peur d’attirer tous les loubards du quartier. Grégory Sorgeloose, co-gérant du cabinet Sorgeloose & Trice, fait le tour de la question.

 

La mariée doit être belle !

Grégory Sorgeloose

Préparer une vente n’est pas l’affaire d’une improvisation de quelques minutes avant le 1er rencard, fort de vos certitudes, mais relève de la minutie et de la préparation plusieurs mois au préalable. Soyez performant au 1er regard et sympathique, ça aide toujours ! Sachez que la 1ère information demandée sera le prix, suivie de près par la remise des documents comptables qui seront vu comme la contrepartie logique du prix demandé. Soyez donc préparé.e à expliquer pourquoi vos chiffres sont si bons, ou si mauvais, une question sans réponse restant un mauvais signal. A vrai dire, votre prix sera analysé comme étant un ratio de votre chiffre d’affaires, et ne sera qu’un faire-valoir pour entamer une discussion, car généralement (quoique pas toujours), le candidat aura un tout autre projet. La rentabilité restera par ailleurs l’élément principal aux yeux de l’intéressé.e, qui cherchera avant tout le bénéfice et non le bénévolat. Vendez du rêve, mais ne vendez pas du vent, vendez du réel et non du potentiel. Le réel (votre chiffre d’affaires, votre taux d’endettement, votre rentabilité, votre trésorerie au temps « T »), c’est ce que vous avez à démontrer. Le potentiel, c’est le job de l’acheteur.euse de l’évaluer.

Les pieds dans le plat

Ne commettez pas d’imprudence lors de l’échange d’informations sensibles : demandez à votre intermédiaire, ou à défaut à votre comptable, de vous assister. Outre les chiffres purs et durs, qui relèvent de la pratique comptable et seront laissés aux professionnels du chiffre, évitez tant que faire se peut de démontrer vos stratagèmes savants pour éluder le fisc ou la TVA, voire votre nuancier colorimétrique allant du gris foncé au noir, cette couleur ne plaira généralement pas au candidat ou à l’intéressée, qui pourrait prendre la poudre d’escampette devant tant de complication. Soyez fin.e.s : outre le bilan et compte de résultat des 3 dernières années (idéalement dans sa version détaillée interne), préparez un prévisionnel, et listez les avantages et les inconvénients de votre business, en prenant soin d’apporter à ces derniers des suggestions pour les améliorer, voire les annihiler. Si votre établissement n’est ouvert que depuis peu, prenez le temps en amont d’expliquer pourquoi cette aventure s’arrête si brusquement, et au lieu de parler bilan, listez vos investissements, ce sont eux qui auront, à cet instant, le plus de valeur, car non-amortis.

Ayez de l’ordre, ça donne confiance

Préparez un dossier de vente complet et bétonné. Évitez de vous disperser en explications pour justifier la perte d’un document mangé par votre chat. Ayez toutes les pièces de votre dossier, à jour et conformes (Afsca, conformité électrique, conformité gaz, permis terrasse ou extension de terrasse, agrément pompiers, permis d’urbanisme, hotte conforme, permis d’environnement éventuel…). Et si vous n’êtes pas en ordre, ne le cachez pas, jouez la franchise, au pire cela vous coûtera quelques milliers d’euros dans la négo, mais vous sortirez la tête haute, satisfait du devoir accompli. Enfin le plus important : soyez certain.e.s que, d’aussi bonne foi que vous soyez, votre établissement ne fait pas l’objet d’infraction(s) urbanistique(s) tellement courantes. Au besoin appelez discrètement la commune, et soyez informé(e) des faiblesses de votre dossier qui, à coup sûr, feront capoter la vente au moment le moins opportun !

Notez que l’urbanisme, en région bruxelloise, c’est un peu comme la météo : une science inexacte, où les prévisions sont souvent trompeuses, avec des speakerines un peu moins sympathiques. Ne vous basez donc pas sur les « on dit » ou les « quasi-certitudes » que votre établissement coche toutes les cases, il n’est pas rare qu’un Horeca existant depuis +30 ans ne soit finalement, urbanistiquement parlant, pas un Horeca ! Ne vendez d’ailleurs pas du rêve avec des promesses intenables de régularisation urbanistique. Il y en a qui attendent toujours après plusieurs années, vous ne souhaiteriez pas cela à votre pire ennemi.e.

Et si vous n’êtes pas en ordre, ne le cachez pas, jouez la franchise !

Par où souffle le vent ?

Adaptez votre discours au projet de votre interlocuteur.rice. Si leur souhait est de vendre des ramen, ne tirez pas le débat sur la demande de pizza élevée dans votre établissement. Soyez au fait des tendances du moment, des concurrent.e.s direct.e.s et proches, connaissez leurs faiblesses et votre quartier sur le bout des doigts. Enfin, inventoriez votre matériel, et indiquez le risque probable de panne des plus anciens, personne ne pourra vous le reprocher après. Votre but est de bien vendre, mais aussi que l’acheteur.euse soit ravi.e et que vous n’ayez pas à changer de trottoir en passant devant votre ex-établissement.

Le marché actuel, été 2024, est largement vendeur, bien plus qu’acheteur !

Prix VS conjoncture?

Quelle que soit votre détermination et votre bonne volonté, aussi exceptionnel soit votre établissement ou les bénéfices que vous en retirez, demeurez conscient de la conjoncture et de l’état du marché actuel qui donnera le ton de votre échange. Au besoin, demandez conseil à un courtier, mais évitez à ce stade votre comptable, ce dernier ne sera pas l’hommede terrain providentiel dont vous avez besoin pour sentir le terrain, mais plutôt un fin théoricien des chiffres, œuvrant dans sa tour d’ivoire. Inutile d’ailleurs de prêcher votre bonne parole par des vents contraires, votre discours sera inaudible, à moins que vous ne soyez l’heureux.se propriétaire d’un exceptionnel emplacement d’angle, libre de brasserie, au chiffre d’affaires plantureux et à la rentabilité démentielle. A défaut, comprenez que le marché actuel, été 2024, est largement vendeur, bien plus qu’acheteur. Or l’inéluctable loi de l’offre et de la demande demeure implacable. Il en résulte des prix de cession actuels en nette diminution par rapport aux valeurs théoriques, sauf rares exceptions. Et rassurez-vous, les faillites en hausse, dont votre candidat.e ne manquera pas de vous rabâcher les oreilles en vue de négocier, offrant sur le marché de superbes affaires pour presque rien, ne sont pas toujours concurrentielles. Argumentez qu’il vaut mieux négocier fermement entre personnes de bonne volonté sur une affaire entre quatre yeux, qu’être mis en concurrence au plus offrant dans une vente suite à faillite, où aucune négociation ne sera réellement possible. Affaire à suivre…