L’IA s’infiltre dans tous les secteurs d’activité et l’Horeca n’y échappe pas. Cependant, les métiers de l’hospitalité ne semblent pas menacés par cette automatisation en cours. Au contraire, l’IA pourrait représenter une opportunité pour soulager la pénibilité de certains postes, accroître l’attractivité du secteur et répondre à la crise du recrutement.
Dans une récente étude, view.brussels, l’Observatoire bruxellois de l’emploi et de la formation, identifie cinq grandes familles de métiers dans l’Horeca concernées par l’IA : la cuisine, la salle (ex. barman), la gestion, la réception hôtelière et l’entretien/nettoyage. Chacune faisant face à des défis et des opportunités différents.
Gain de temps, optimisation, durabilité pour la cuisine
Dans les cuisines, l’IA intervient surtout pour automatiser les tâches administratives ou chronophages : gestion des stocks, des déchets, préparation des recettes, etc. Des outils comme Inpulse ou Fullsoon permettent déjà d’ajuster les commandes selon les tendances de consommation, limitant ainsi les pertes et les surstocks. Côté recettes, l’IA peut suggérer des plats basés sur les ingrédients disponibles ou sur les préférences des clients, tout en laissant libre cours à la créativité au chef. L’IA pourrait ainsi décharger les cuisiniers, commis, chefs et collaborateurs de cuisine des tâches répétitives (grâce à des fours ou robots intelligents) pour se concentrer sur les préparations à forte valeur ajoutée.
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L’interaction humaine prime
Le métier de barman reste peu impacté, car il repose avant tout sur la relation client. Si des expériences de robot-barmans ont été menées (Cecilia.AI, AI Bar), elles ont rapidement montré leurs limites : coûts élevés, désintérêt du public, refus de déshumanisation. Cependant, des outils peuvent optimiser la logistique (gestion des files, commandes) tout en laissant au personnel de salle le soin de créer l’expérience sociale. L’IA y est perçue comme un soutien, non comme un substitut.
La gestion : pilotage prédictif et stratégie commerciale
Les managers Horeca pourraient tirer profit de l’IA pour anticiper les besoins en personnel grâce à des analyses croisées de données (météo, événements, historique de fréquentation). Ils pourront aussi affiner leurs stratégies commerciales par l’analyse des avis clients en ligne, des tendances de consommation ou via des outils de tarification dynamique pour les hôtels.
Comme l’indique Willem van der Zee, président de la BHA (Brussels Hotels Association) et directeur des hôtels Pandox, « L’Intelligence Artificielle impacte déjà depuis quelques années l’ensemble du métier hôtelier. Dès que le client pense à un voyage, les outils d’IA interviennent : recherche, comparaison, recommandations. L’IA est devenue un véritable challenger pour les grands acteurs du voyage en ligne comme Booking ou Google. Les centres de réservation eux-mêmes l’intègrent, à l’image de Kitt ou Onsai. Sur place, l’IA gère le bâtiment : la lumière, la musique, la température, la détection de présence, les commandes automatisées. En cuisine, le chef élabore ses menus avec l’aide de l’IA, en tenant compte des allergies, coûts, saisonnalité, stocks et compétences du personnel. Le service commercial l’utilise pour les contrats, le property management… tout est interfacé avec des systèmes intelligents. » Même son de cloche du côté du housekeeping où l’IA permet d’adapter les plannings aux préférences du client. « L’efficacité est améliorée, mais il manque encore un cadre clair autour de la protection des données. Il faudra former les équipes, investir dans les compétences. On constate déjà que dans l’hôtellerie ‘économique’, l’accueil par borne s’impose. Dans les hôtels haut de gamme, c’est la personnalisation qui prime. C’est une question de choix du client et de positionnement. L’humain reste essentiel mais l’IA est devenue un atout pour l’efficacité, la durabilité et la qualité de l’expérience », ajoute-t-il.
Le poste le plus exposé à l’automatisation
Le rôle de réceptionniste pourrait être partiellement remplacé par des chatbots, des concierges digitaux, des bornes d’enregistrement ou des applications multilingues. Ces outils permettent de traiter les demandes simples et de gagner en disponibilité, mais la présence humaine reste essentielle pour les hôtels de standing et les situations complexes.
Le nettoyage et l’entretien : une gestion optimisée
L’entretien bénéficie déjà de capteurs IA qui signalent les chambres inoccupées ou les anomalies techniques, permettant une meilleure gestion des interventions. Mais cette efficience accrue pourrait aussi intensifier les rythmes de travail, poser des questions éthiques (vie privée), et demander une adaptation humaine constante.
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Un outil de transformation à apprivoiser
L’intelligence artificielle ne supplantera pas l’humain dans l’Horeca, mais elle en redessinera progressivement les contours. Moins de charge administrative, plus d’efficacité, une meilleure prévisibilité… mais aussi de nouvelles compétences à acquérir pour piloter ces outils. Le risque principal à court terme ? Que seuls les plus grands groupes puissent s’offrir ces technologies, creusant un peu plus les inégalités structurelles du secteur. Pour que l’IA devienne un levier inclusif et durable, il faudra investir non seulement dans la technologie, mais aussi dans la formation et l’accompagnement humain.