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Mode d’emploi du fonds de commerce d’un établissement Horeca 

Que vous exerciez votre activité en société ou à titre personnel, vous exploitez nécessairement un fonds de commerce. Mais savez-vous vraiment ce que cette notion recouvre ? Pour débuter cette série d’articles, notre partenaire, le cabinet Janson, représenté par Lydie Van Muylen, vous explique clairement ce qu’est un fonds de commerce, sa composition, et pourquoi il est crucial de bien le maîtriser. Des bases solides qui nous permettront d’approfondir bientôt sa mise en gage, sa cession, ou encore ses différentes méthodes d’exploitation.

Le fonds de commerce n’a pas de définition légale. Il est généralement défini par les éléments qui le composent, qui sont unis par un but commun : permettre l’exercice d’une activité commerciale. Il s’agit d’un ensemble de biens, matériels et immatériels, qui sont destinés à attirer et retenir une clientèle. A la différence d’une société, un fonds de commerce n’a pas de personnalité juridique ; on parle, en jargon juridique, d’une « universalité de fait ».

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De quoi se compose-t-il ?

Les éléments qui composent un fonds de commerce sont donc variables en fonction du commerce effectivement exercé. Concrètement, pour un restaurant, il s’agira en premier lieu des meubles directement nécessaires à fournir le service à la clientèle, tels que le mobilier et les ustensiles de cuisine, les meubles de salle, les couverts, le stock, les contrats avec des fournisseurs, etc. Mais le fonds de commerce comprend aussi – et surtout – l’ensemble des éléments qui rendent l’établissement véritablement distinctif, et qui sont souvent immatériels (et ne se retrouvent donc généralement pas au bilan, si l’activité est exercée en société) : l’emplacement géographique, la configuration des lieux (terrasse, jardin, etc.), le nom commercial ou l’enseigne, la fidélité de la clientèle ou encore la réputation. L’ensemble de ces éléments « hors bilan » est appelé « goodwill ». En fin, soulignons que le fonds de commerce n’inclut en principe pas les dettes.

Pourquoi un seul terme pour englober des éléments disparates ?

En regroupant des éléments disparates d’exploitation sous un seul terme, il devient aussi possible de le soumettre à des opérations juridiques portant spécifiquement sur le fonds de commerce. Citons par exemple le gage sur fonds de commerce, qui permet d’obtenir du crédit bancaire en donnant au prêteur une sûreté portant, de manière indistincte, sur l’ensemble du fonds de commerce. Ainsi, non seulement il n’est pas nécessaire d’énumérer absolument tous les biens qui feront partie du gage, mais en plus, la plupart de ces éléments peuvent changer en cours d’exploitation du fonds de commerce sans que cela n’impacte le gage : il restera en place et se reportera automatiquement sur les nouveaux éléments entrant dans le fonds de commerce.

Deuxième exemple, il est possible de vendre ou d’acheter un fonds de commerce « en tant que tel », c’est-à-dire sans devoir énumérer tous les actifs qui le composent. Ces actifs sont automatiquement cédés ensemble, ce qui a aussi tendance à en augmenter la valeur. Nous soulevons toutefois deux points d’attention : premièrement, il est quand même conseillé d’énumérer le plus précisément possible les éléments qui composent le fonds cédé dans un contrat de cession, pour éviter toute discussion ultérieure. Il sera aussi utile d’inclure une sorte de formulation « catch-all » à la fin de la liste, telle que « tous les éléments permettant d’exploiter le fonds de commerce tel qu’il était exploité immédiatement avant la cession ». Deuxièmement, certains actifs particuliers peuvent nécessiter de respecter des formalités spécifiques, par exemple en cas de transfert de certains droits de propriété intellectuelle ou de vente d’un immeuble dans lequel l’activité est exercée.

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Quelles sont les protections légales ?

Enfin, le fonds de commerce bénéficie en tant que tel de certaines protections légales spécifiques. Nous en citerons trois :

1. Vous êtes marié.e sous le régime de la communauté et vous exploitez votre établissement en personne physique (donc pas via une société) ? L’accord de votre conjoint.e est nécessaire pour acquérir, vendre ou donner un gage sur votre fonds de commerce.

2. Vous louez vos locaux dans le cadre d’un contrat de bail commercial ? La loi sur les baux commerciaux vous offre certaines protections spécifiques : en principe, la cession ou la sous-location des locaux loués est interdite sans obtenir l’autorisation spécifique du propriétaire. Toutefois, si le fonds de commerce exploité dans les lieux loués est cédé ou loué, vous pouvez en principe céder le bail commercial au nouvel exploitant sans autorisation du propriétaire. Celui-ci ne pourra s’y opposer que s’il habite lui-même l’immeuble, ou sa famille, ou s’il peut invoquer de « justes motifs », tels que, selon la loi, le fait que le locataire exploite les lieux depuis moins de deux ans ou si le renouvellement de son bail remonte à moins de deux ans. Attention, si vous êtes confronté à cette situation, les délais imposés par la loi son stricts ! Le projet de cession doit être notifié au propriétaire avant la signature du contrat avec le repreneur, le propriétaire dispose de 30 jours pour vous faire connaître son éventuelle opposition (à défaut, il est présumé accepter), et vous avez ensuite 15 jours pour contester ce refus. Evidemment, si vous louez les locaux d’exploitation de votre établissement, toutes les autres règles protectrices de la loi sur les baux commerciaux s’appliquent également. Ce sera par exemple le cas de la durée minimale de 9 ans, du droit à deux renouvellements, de l’encadrement de la révision du loyer et de l’indemnité d’éviction que le propriétaire devra payer au locataire en cas de refus de renouvellement, pouvant aller jusqu’à trois ans de loyer.

3. Vous venez d’acquérir un établissement Horeca et le lendemain de la vente, le vendeur ouvre un établissement similaire en bas de la rue ? S’il existe un risque de confusion pour la clientèle, vous pouvez exiger qu’il cesse cette activité ou l’adapte pour supprimer toute confusion possible, même si aucune clause de non-concurrence n’a été prévue dans le contrat (cela étant : ajoutez une clause de non-concurrence dans votre contrat !). En effet, une interdiction de concurrence est comprise de droit dans une cession de fonds de commerce.