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Be-Psy : La crise dans l’Horeca, un phénomène sociétal ?

Si tout le secteur Horeca peine à recruter un personnel motivé… Cette difficulté à l’embauche ne se limite pas à cette profession. Elle semble toucher tous les secteurs et se définit comme un mal être sociétal. 

Explications d’Anne-Françoise Meulemans, médecin psychothérapeute fondatrice des CentrEmergences à Bruxelles et en Wallonie.

Aujourd’hui plus que jamais, le secteur Horeca éprouve des difficultés à recruter et à fidéliser ses équipes. Comment expliquez-vous ce phénomène ?
Le monde du travail est en pleine mutation. Le covid a changé la donne. Il y a eu un arrêt sur image et l’envie de vivre autre chose. On ne peut plus éviter la question du sens.
Aujourd’hui,  on ne reste plus dans un boulot par habitude. On constate que les travailleurs  et travailleuses modifient plus vite leur trajectoire. Le rapport activité professionnelle et domaine privé est davantage questionné et s’ancre dans les choix de vie de chacun. On va désormais penser en vision ergonomique et voir comment cette vision de la vie professionnelle s’accorde avec celle de sa propre vie. Le rapport au travail est revu dans la durée et dans son articulation avec la vie privée. Désormais on adapte son activité professionnelle à sa vie privée et plus l’inverse. En outre, la redistribution des rôles du masculin et féminin dans les domaines professionnels et privés a pour conséquence que les hommes ont également des attentes pour le domaine privé. Avant, les hommes étaient aux fourneaux de l’Horeca et les femmes à ceux de la maison mais la cartographie a changé. Si on ne tient pas compte de ce nouveau biotope, on va se tromper en terme de recrutement.

Comment optimiser son recrutement ? 

Actuellement, on observe beaucoup de symptômes de surcharge chez l’employeur.euse car  prendre en compte les besoins de l’autre sans prendre soin de soi n’est pas possible. Il faut examiner comment l’employeur.euse vit cet écartèlement. Le questionnement se pose sur le choix de vie et à partir de là de définir le job proposé.
Cette première question permet d’affiner et de réussir son recrutement : quelles sont les attentes des employés et employées et comment trouver une solution ? Comment recruter tout en tenant compte de leurs besoins fondamentaux ?
L’employeur.euse doit communiquer sur l’identité de son entreprise et prendre du temps pour examiner ses besoins en matière de personnel – ce qui est déjà un premier challenge dans un timing d’urgence. Ensuite, il faut arriver à combiner ses besoins sur le plan professionnel et ceux de l’employé.e et avoir une certaine souplesse et si son entreprise le permet 

Entre employé et employeur, le dialogue est de plus en plus compliqué. Quels sont les forces vives en présence ?
L’employeur.euse est un indépendant.e et considère son business comme son bébé. A l’inverse, l’employé.e est un salarié.e et c’est son salaire qui compte. L’employeur.euse doit être à l’écoute de l’autre et pouvoir communiquer sa vision. Avec l’Horeca, on est dans une chose vivante et l’employeur.euse peut emmener l’employé.e dans son histoire pour susciter motivation et passion. 

Le turnover peut-il être intéressant ?
On trouvera toujours des profils qui fonctionnent dans la durée mais il faut aussi reconnaître qu’un certain turnover peut être intéressant surtout si on a un management assez ouvert. Cela peut permettre d’avoir des opportunités intéressantes pour faire évoluer son entreprise.
Il faut arrêter de penser que l’on est mauvais manager lorsqu’on a un certain turnover. Il faut déculpabiliser l’employeur.euse. Il faut tenir compte du contexte dans lequel on se situe car souvent il a la tête dans le guidon. On peut comprendre que dans les métiers de l’Horeca, on ait davantage de turnover.
Une équipe se compose d’individus ayant des âges différents, des connaissances différentes et il faut arriver à faire se rencontrer tous ces univers.
Le recrutement doit se faire in situ et pas par téléphone. Car, c’est ainsi qu’une histoire peut se créer et il faut laisser la place à l’humain et à la rencontre entre deux personnes.

Comment responsabiliser l’employé ?
Cette responsabilisation doit être réciproque. L’employeur.euse doit pouvoir être à l’écoute. Si la sauce ne prend pas, c’est que le recrutement n’a pas été optimal. Et on peut comprendre l’employeur.euse qui, dans l’urgence, risque de recruter vite et mal.
La motivation ne peut pas être que financière et la valorisation passe aussi par la formulation positive des critiques. Ne pas oublier que si l’employeur ne va pas bien, ça ne marchera pas.
On peut organiser des rendez-vous informels où l’on parle du travail et de la vie de chacun car l’articulation entre vie privée et vie professionnelle est très importante dans les rapports au travail. Dans l’Horeca, on est souvent dans un niveau de stress important et il faut en tenir compte. Il faut pouvoir contrôler la taille de ses équipes en fonction de leurs capacités et faire participer les équipes à l’aventure tout en comprenant que tout le monde n’a pas envie de s’investir de la même manière. Il faut aussi trouver la bonne distance pour fonctionner car il y a un contrat entre employeurs et employés. Dans une brigade, les rôles sont très bien définis. Il y a une hiérarchie mais on peut mettre du lien car si il n’y a pas d’affectif les gens partent.