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Be-Opinion : Les plateformes de livraison : cauchemar ou bénédiction ?

Apparues en 2015 et propulsées par la pandémie, les plateformes de livraison sont presque omniprésentes dans la Capitale. Entre pros convertis et d’autres plus réticents, l’avenir de l’Horeca bruxellois sera-t-il autant numérique que physique ?

Interviews de Romane Henkinbrant

Premier coffee house zéro déchet à Bruxelles, le Boentje Café fait dans le circulaire. Préparations locales, déco de seconde main et récipients réutilisables, Victoria et Sandrine n’ont qu’une idée en tête : vous régaler en prenant soin de la planète.

Pourquoi avoir choisi de ne pas travailler avec les plateformes de livraison ?
Pour plusieurs raisons. La première, c’est qu’on est le premier café zéro déchet à Bruxelles et, pour nous, le packaging est hyper important. Les plateformes de livraison travaillent généralement avec des contenants jetables et cela ne nous convient pas. La seconde, c’est l’aspect du travail des livreurs et des conditions salariales dans lesquelles ils sont. Enfin, il y a aussi la volonté de ne pas participer à une consommation digitale, éloignée. On a à cœur de choisir les produits selon une certaine éthique (l’aspect local, le contact en direct…) et ne pas reproduire cette démarche avec la clientèle serait une perte de sens.

Avez-vous l’impression de passer à côté d’une part de marché ?
Oui, clairement. On a une clientèle qui nous le demande depuis longtemps, qui aimerait pouvoir se faire livrer sur le temps de midi. Pour le chiffre d’affaires, ça pourrait être super intéressant. Après, reste la question de l’organisation interne. Là, je ne peux pas trop en parler car nous n’avons jamais travaillé avec des plateformes de livraison et on a donc pas l’expérience complète. Ce que j’ai déjà ressenti en tant que consommatrice dans d’autres établissements, c’est que les restaurateur.rice.s étaient parfois à la merci des commandes et qu’ils devaient un peu oublier leur clientèle. Selon moi, ça peut nuire au service au sein du restaurant alors que c’est quand même ce pourquoi on ouvre au départ. Après, ça dépend de chaque gestion et aussi certainement de la popularité du restaurant sur la plateforme.

Il est donc possible d’être rentable sans être sur les plateformes de livraison ?
Oui et je pense qu’il y a des avantages à faire ce choix. Déjà, ça veut dire que la seule possibilité de découvrir l’endroit, c’est en venant sur place : ça encourage parfois les gens à prendre un petit truc en plus, qu’ils n’auraient pas pris via une plateforme. C’est aussi un autre type de consommation, selon moi plus qualitative : les gens parlent souvent des restaurants dans lesquels ils sont allés mais je pense qu’il est rare que le bouche à oreille se fasse via les plateformes de livraison car il manque tout l’aspect affectif. Selon moi, les client.e.s qui passent via les plateformes sont de moins bons ambassadeur.rice.s. 

“Il est rare que le bouche à oreille se fasse via les plateformes de livraison car il manque tout l’aspect affectif.”

Pionnier bruxellois dans les burgers new-yorkais, le Manhattn’s des frangins Jérôme et Philippe Vandermeulen ne cesse de s’étendre, jusqu’à aller frapper à la porte de nos voisins parisiens… et à la vôtre.

La livraison, pour ou contre ?
Avant la pandémie, on était contre. On se disait qu’on ne ferait jamais de livraison car, d’une part, ça dénature notre produit et, d’autre part, on ne voulait pas se lancer dans la bataille des grandes plateformes. Finalement, on les a rejointes en avril 2020 pour sauver notre peau. Aujourd’hui, la demande est toujours là. Je pense que la livraison est une bonne chose et que c’est là pour rester : en tant qu’établissement de street food ou mono-produit, il est difficile de s’en priver. Après, on n’en dépend pas : c’est moins de 10% de notre chiffre d’affaires. 

Introduire les plateformes de livraison dans votre business plan a-t-il eu une influence sur votre organisation interne ?
Oui car avec la livraison, on est plus dans la logistique que dans l’Horeca : il faut être en contact avec les livreurs, suivre les feedbacks, adapter la manière de cuisiner, le packaging… Et puis dans nos restaurants, on maîtrise l’expérience clients de A à Z tandis qu’avec la livraison, on la divise en deux. Ce sont deux business différents et on veut garder notre métier de restauration donc on a créé à Bruxelles un établissement focalisé là-dessus, avec un tout autre écosystème. Les prix sont un peu plus élevés mais les gens sont prêts à payer plus cher puisqu’ils se font livrer chez eux.

Ne craignez-vous pas que votre clientèle soit plus fidèle à la plateforme qu’au restaurant ?
Je ne connais pas les clients des plateformes à cause de la protection des données mais je crois que notre clientèle nous a suivi. Si tu n’as pas un bon produit et une bonne réputation offline, ça ne sert à rien de travailler avec des plateformes. Par exemple, je ne crois pas aux dark kitchen : selon moi, ce n’est pas de la restauration. Si on fait ce métier, c’est parce qu’on adore l’humain. Notre passion, c’est de faire de très bons produits et d’interagir avec notre équipe et nos clients. C’est ça l’Horeca. 

“Si tu n’as pas un bon produit et une bonne réputation offline, ça ne sert à rien de travailler avec des plateformes.”